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  • patricksorrel

Une expérience avec un crapaud...

Dernière mise à jour : 27 mars



Voici mon expérience de rencontre avec un crapaud mexicain, que j'ai préféré écrire que raconter, trop dur de trouver les bons mots pour décrire ce qui n'a pas de mot...



Avertissements :

1 – Il ne s’agit pas d’une drogue mais bien d’une substance toxique, non synthétisée, et qui représente des dangers évidents à la consommation. Ce témoignage est personnel et n’engage que moi. Il est absolument nécessaire d’être accompagné si l’on veut s’aventurer dans ce voyage.

2 – Le Bufo Alvarius est un crapaud mexicain, et il est interdit en France de consommer son venin. L’expérience a donc été faite en dehors de la législation française, dans un pays que je garde personnel.


J’ai vraiment longuement hésité avant de me lancer dans cette expérience avec le crapaud, tellement les récits que j’entendais me faisaient peur. Perte de conscience, sensation de dissolution dans le grand tout, voyage vers sa propre mort…

Je crois que mes expériences avec la respiration holotropique, les enthéogènes et le kambo ont contribué à me donner l’assurance que j’étais prêt pour cette expérience. On est jamais prêt à cela, en vérité. Mais je savais que j’étais capable de m’abandonner et de totalement lâcher prise, ce qui est absolument indispensable quand on tente une expérience de cette ampleur. Mais il est toujours possible de résister, en vérité, et c’est de cela que j’avais peur, pour avoir déjà vécu des nuits terribles quand je résistais à une médecine. Une part de moi, donc, avait très envie, l’autre très peur.

Mon intention de départ était de me laisser totalement guider par le crapaud, de m’offrir à lui avec cette idée : « prends moi et fais de moi ce que tu veux, je te suis dévoué, je te fais confiance ». Et ce n’est pas rien, anticipant ce qui m’attendait. Une autre intention est toutefois venue en formulant celle-ci, qq heures avant la cérémonie : « me positionner par rapport au monde matériel et spirituel ». Je freine toujours avant une expérience spirituelle, par peur de perdre ce que je connais et qui me rassure : le monde des formes et de la matière. Après les divers expériences, je suis toujours content de retrouver ce monde dans lequel je me sens vraiment bien. J’ai habité ce monde et je l’habite tous les jours, en le transformant avec les mains (j’adore construire et réparer) autant qu’avec mes mots (je suis thérapeute). J’habite ce monde incarné, et en même temps j’ai un tel désir de trouver/retrouver qq chose qui dépasse totalement ce monde matériel que je vais d’expérience en expérience dans les états de conscience modifiés, à la recherche de quelque chose que je commence à entrevoir.

Je remercie aussi le Kambo (petite grenouille amazonienne) de m’avoir nettoyé pour cette expérience, puisque je venais de faire le jour même et la veille 2 premières purges avec la grenouille, dont la seconde était vraiment pleine d’énergie (la première était plus difficile, comme je le raconte dans la vidéo ci-jointe). Enfin, je venais aussi de diéter (sans alcool, viande, protéines en général, sucre, sel, graisses, blé, etc.) pendant une semaine, pour être léger et ne pas avoir de susbtance en moi qui s’oppose au passage du crapaud.


Au moment de prendre la pipe et de la fumer, je me sentais vraiment posé et confiant. Pourtant c’était l’instant irréversible ! Et puis je n’avais jamais fait cela, j’avais un peu l’impression d’être le drogué qui va aspirer sa pipe à crack, même si je ne connais pas ce produit, pour mon plus grand bonheur… Il fallait aspirer très doucement la pipe et le plus longtemps possible, puis tenir sa respiration en haut, poumons pleins, et se laisser partir.

Cela a été d’une rapidité incroyable. Je n’avais même pas fini d’aspirer que je me sentais déjà partir, et quand j’ai été dans l’apnée haute, quelque chose a lâché et je me suis allongé sur le lit sur lequel j’étais assis. Allongé tombé.

Ce qui suit est indescriptible. Je vais quand même essayer de mettre des mots.


Une sorte de tourbillon mais sans tourner, sans direction, pas du tout le tunnel des emistes, juste comme un approfondissement vers moi-même, et en même temps comme une perte de repères de plus en plus grande. Quelque chose qui aurait pu me faire très peur si je maitrisais encore quoique ce soit. Effondrement serait un mot. Mais pas au sens négatif. Réduction a l’essentiel. Plus de conscience réflexive, plus moyen d’assister à l’expérience du dehors : il fallait la vivre de l’intérieur. A partir de ce moment, tout ce que j’ai vécu, je m’en suis souvenu 3 jours plus tard, pendant la nuit, quand la chanson qui m’a envahi m’est revenue subitement alors que j’étais en train de rêver. Et cela m’a fait revivre l’expérience. Mais quand je suis revenu à la conscience réflexive quelques minutes après m’être « évanoui » dans la conscience pure, je ne me souvenais plus de ce que j’avais vécu. Je me souvenais juste que c’était d’une intensité incommensurable avec tout ce que j’avais vécu auparavant. J’avais le goût dans la bouche, mon corps était encore tout vibrant, je savais que je venais de dépasser toutes les limites que je m’étais assigné. Mais je ne pouvais pas dire ce que j’avais vécu…

Les personnes qui étaient présentes m’ont dit un peu ce que j’avais vécu de l’extérieur : j’avais craché et bavé de manière impressionnante, poussé un cri hallucinant d’intensité et de longueur (plusieurs minutes je pense), un cri qui s’était transformé en un chant, mais toujours d’une seul expiration de plusieurs minutes.

J’avais bougé mon corps dans tous les sens, tapé une vitre avec mon pied, ouvert la porte de la pièce d’un coup de poing, essayé de sortir… Tout cela m’était étranger.

Le cri, quand même, m’est revenu dans la journée. Un cri dans les aigus, un cri d’extase, de libération, de jouissance pure, d’expression de la puissance de la vie qui me traversait. Car il n’y avait que cela, aucune vision, mais seulement la vie qui explosait en moi dans tous les sens et me traversait d’une manière qui était une jouissance pure. Et mon corps était comme un instrument qui exprimait cette vie par tous les pores de ma peau, il était traversé par la lumière de la vie et il vibrait et il se laissait traverser et de la lumière jaillissait de toute part à travers lui. J’étais comme un pantin désarticulé, mais ce serait une image péjorative, puisque j’étais vraiment en train de jouir.

Enfin, pour la toute première fois, il n’y avait absolument rien à faire, ni dans un sens ni dans l’autre. Pas moyen d’arrêter le processus, pas moyen d’y résister, même pas l’idée. Avec la "Madre", la toute dernière fois, j’avais entamé le processus en vivant une confiance totale à la plante et en me laissant traverser par elle, toute une nuit. C’était tellement bon ! Toute une nuit ! J’attendais ce moment, sans me l’imaginer, depuis si longtemps… Une confiance totale en la plante, rien ne pouvait m’arriver… C’est cette nuit-là qui m’a guidé, quand le crapaud s’est proposé à moi, pour dire un petit oui timide, puis plus aventureux.

Mais cette nuit-là, avec la plante, la conscience et le mental étaient là du début jusqu’à la fin de la cérémonie, notamment pour me dire de ne pas trop déranger le groupe par ma jouissance. Je m’étais contenu, même si j’étais déjà bien au-dessus de ce que j’aurais dû faire si je ne voulais pas déranger les autres…

Mais là, il n’y avait plus rien à faire. Alors je me suis laissé exprimer. Par le corps, par la voix. L’image et le mot qui me sont venus dans la journée étaient : « cathédrale ». Mon corps était cela. Ou plutôt l’orgue dont le son envahit toute la cathédrale jusqu’à faire résonner toutes ses parois, et au-delà. C’était bien cela : le son m’emplissait et je le restituais par la voix, et mon corps était un orchestre symphonique au service de la vie.

Ineffable.

Et puis, le lendemain, je me suis souvenu du tintement de la timbale tibétaine qui m’avait accompagné au tout début. Ce « tiiiiiiiiing » (on l’appelle le « tingsha ») aigu qui venait faire vibrer en moi une corde et m’emmener toujours plus en profondeur dans mon expérience. Un son vraiment divin. Mais la pureté de ce son, je ne l’ai plus retrouvé en dehors de l’expérience. Le Bufo transcendait tout, la voix de la personne qui m’accompagnait, tout ce que je ressentais était traversé par le crapaud magique…

Et enfin est venu ce chant, entamé par la personne qui m’avait donné le bufo et qui m’a accompagné tout au long de l’expérience. Quand, 3 nuits plus tard, le chant est revenu d’un seul coup à moi, sans que je le veuille ou le recherche, toute la qualité de l’expérience qui l’accompagnait est revenue avec lui.

Comment dire ? Il y avait une telle douceur, un tel amour, une telle confiance dans cette musique, l’amour de la vie pour moi, de moi pour elle, tout va aller bien, il n’y a rien à faire, juste vivre ce que tu as à vivre ici. Et je me souviens avoir respiré, respiré comme jamais peut-être, intensément, profondément, nourrissant chaque cellule de mon corps et le traduisant directement en énergie pure. Et la symphonie se composait de cette musique, de cet air et de mon corps comme instrument.

Tout cela a duré peut-être 10 minutes, peut-être moins. Le temps n’avait plus d’existence dans cet état, il n’y avait plus de durée. Juste l’instant à vivre, sans aucune séparation, aucun éloignement de ce qui est. Et puis je me suis calmé (si l’on peut dire), posé à plat dos sur le matelas et la conscience réflexive est revenue, elle a cherché à éclairer le spectacle de ce que je venais de vivre et de tout de suite « oublier », mettre dans une partie secrète de moi, pour peut-être passer à autre chose.

Il restait la jouissance que mon corps avait éprouvé, la paix dans laquelle il était, et le chant et le tambour qui m’accompagnaient. Et une envie furieuse de rester en apnée basse, poumons vides, et de ne pas reprendre l’inspiration, mais à chaque fois l’inspiration revenait et je la goutait, et avec elle la nécessité de continuer à entretenir la vie dans mon corps matériel, après avoir gouté à une autre qualité de vie, de respiration, qui m’avait ravi d’extase.

Et je ne voulais pas revenir, je sentais bien que je voulais prolonger un instant qui n’était déjà plus, mais le prolonger par le calme et la vibration que je sentais encore. Je sentais que je ne voulais pas me lever, sortir de la pièce, retourner dans la vie « normale ». Mais aussi je sentais que je devais le faire parce que je n’avais pas le droit de prendre trop de temps juste pour moi, de prendre du temps aux autres qui pourraient aussi vivre cette expérience après moi. La petite « guerre » entre mes parts était à nouveau là, mais sans agressivité, juste un constat : j’ai 2 envies en moi, actuellement. Alors je l’ai exprimé, allongé sur le matelas : « je ne veux pas prendre la place des autres ». « Quels autres ? » ai-je entendu. Et je me suis vu me précipiter, tout le temps, dans la vie, ne jamais être en retard (ni pour ma naissance, puisque je suis venu tellement précipitamment que ma mère m’a accouché dans l’ambulance qui l’emmenait à l’hôpital, et qui a été rebaptisé ambulance « Patrick »), ne pas faire attendre les autres, vraiment trop dur pour moi. Et là, je reproduisais ce schéma.

Et j’ai vu que l’autre a qui j’avais pu prendre la place, dans mon esprit, pour la première fois, c’était ma sœur jumelle, partie vers le 3ème mois, et que j’avais déjà rencontrée en respiration holotropique, ce qui m’avait provoqué un tsunami émotionnel à l’époque. Et je voyais ma culpabilité envers elle, et ces 2 tendances que je connais bien en moi : « je vais prendre ma place et la tienne, je vais vivre pour 2, respirer pour 2, faire tout pour 2, pour honorer le cadeau que tu m’as fait en partant, s’il n’y avait pas de place pour nous 2 » ; mais aussi « je prends toujours trop de place, j’écrase les autres, je t’ai écrasé, je suis né parce que tu as dû partir, peut-être même t’ai fait partir en prenant ta place… ».

e Difficile de faire la part des choses, j’ai beaucoup pleuré encore cette fois-ci en repensant à tout cela. Et puis j’ai vu cette étoile au-dessus de ma tête, là-haut dans le ciel, et j’ai décidé que c’était toi. Que tu étais là-haut et que j’étais ici, en bas, et que c’était juste. Que nous étions chacun à notre place, et que je pouvais accepter de vivre pleinement à ma place, en bas, dans le monde des formes et de la matière. Et je suis sorti de ma torpeur, doucement, en me relevant sur mon matelas.

Cette nuit, (la nuit juste avant d’écrire d’un trait ce texte pour ne plus y toucher), 3 jours après l’expérience donc, j’ai aussi compris autre chose. Un ami qui avait fait l’expérience juste avant moi, et à qui je racontais que je n’avais jamais eu aucune vision dans mes différentes expériences, mais toujours des données proprioceptives (données de mon corps interne), m’avait dit : « tu ne peux pas ne pas vivre des visions avec le Bufo, c’est impossible ». Et je lui avais répondu que je pensais bien que je n’aurai aucune vision à nouveau, et que c’était totalement ok pour moi : je ne suis pas un « visionnaire ». En fait j’avais à la fois raison et tort.

Je n’ai eu aucune vision, c’est très clair, tout a été sensation et vie pure qui me traversait. Nul besoin de vision à cet instant. Mais ce n’est pas parce que je ne suis pas visuel dans la vie matérielle que je n’ai aps eu de vision ; c’est le contraire, je crois. En fait je suis très visuel : mon intelligence est spatiale, ma mémoire est visuelle, mes rêves sont toujours visuels, tout ce que j’imagine de moi et des autres est toujours visuel. Mon mental s’exprime essentiellement par la vision. Et il visualise à la 3ème personne, se regardant faire ou regardant la situation d’un point de vue externe. Même en méditation, cela m’arrive très souvent de me décaler de moi-même et de me regarder de l’extérieur. Même quand je fais l’amour, encore souvent, cela m’arrive, même si j’apprend à être de plus en plus à l’intérieur de mon corps, juste dans la sensation, et non pas projeté dans la vision de ce que peuvent être nos deux corps emmêlés. Bref, la vision extérieure est mon outil de projection mentale, qui m’aide beaucoup dans la vie matérielle, mais gène aussi ma sensation intérieure.

Et chose incroyable, depuis la toute première respiration holotropique, en passant par toutes les médecines que j’ai prises jusqu’à présent, jamais aucune vision, jamais. Que des sensations, plus ou moins intenses. Si, peut-être avec l’iboga, qui m’a vraiment mis dans le mental, il y avait des visions projectives. Mais quand vraiment la racine africaine m’emmenait dans le corps, il n’y avait plus de visions. Ce que je reçois de la vie n’est jamais sous forme de visions. Peut-être parce que mon corps me dit : « tes visions sont ton outil mental, et moi j’ai envie de te faire découvrir une autre manière d’être présent au monde, à la première personne cette fois-ci ».

Et là, dans cette dernière expérience, j’ai saisi ce que cela pouvait être d’être entièrement là, balloté de toutes parts mais brillant de partout, traversé par la vie, sans qu’il n’y ait absolument aucun besoin d’autre chose. Aucune vision, aucun commentaire, même pas une réflexion.

On dit, à partir de Descartes, que la conscience débute avec l’homme et sa réflexivité, capacité à revenir sur lui-même : cogito ergo sum. (comme si l’animal n’avait aucune réflexivité, bref). Mais je comprends maintenant que c’est le contraire : la conscience commence vraiment là où la réflexivité s’arrête. Conscience pure. Conscience de la vie. Et il n’y a même pas besoin de le garder en mémoire et de le tenir en soi comme dans une apnée haute, poumons pleins. Juste se laisser traverser et exprimer.

Et c’est tout.

C’est la vie.

Comme le dit la chanson :

« Siento el fuego, dentro dentro ; siento el fuego, aqui te encuentro ».

Je décide d’en faire le premier principe de ma philosophie.



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